« J e me debattis comme un diable. Je fus jetee dans la natte.
Notre grosse dame s’etait assise concernant ma poitrine d’enfant et tenait les jambes bien ecartees.
Je percus entre les jambes le contact glacial de quelque chose de tranchant. » Ce roman autobiographique d’une enfance s’ouvre dans le supplice de l’excision que la petite Peule subit a l’age de sept ans Afin de acceder au rang des jeunes femmes. Etre copine, c’est endurer la souffrance sans crier, lui dit sa tante, qui la soumet a une telle epreuve sans preparation et sans aucune nouvelle explication. Devenir copine, c’est donc cela ? Supporter cette douleur indicible, voir le frere de quatre ans eloigne d’elle et le pere adore devenir distant ?
Mais l’enfant rebelle comprend aussi que cette epreuve n’est jamais une fatalite, car ses camarades de jeu senegalaises ne la subissent pas. C’est parce qu’elle reste ndjouddou, une enfant nee au Senegal de parents guineens qu’elle reste soumise a cette initiation qui lui enleve toute confiance en sa mere. Cette mere qui l’emmene de force sur les lieux d’une ceremonie appeles premonitoirement l’« abattoir ». C’est la premiere rupture.
Cette tante si severe et si respectueuse des coutumes tribales nos enfreindra pourtant elle-meme en divorcant. A dix annees, l’ainee des cinq enfants doit la remplacer au foyer paternel. Petit a petit, les cahiers d’ecole cedent la place aux cliquez pour enquГЄter sur taches menageres. Si ses freres paraissent circoncis, accedant ainsi au statut d’hommes, ils deviennent si imbus de leur supposee superiorite qu’ils refusent de participer a toutes les travaux de cuisine, consideres tel une « affaire de femmes ». Mais l’ainee leur tient tete et se met en greve. Elle s’apercoit alors que ses oncles, ses freres et son pere seront si dependants d’elle qu’ils la supplient de reprendre ses taches. La rebellion a porte ses fruits, les travaux menagers sont a nouveau partages, a l’exception en corvee d’eau, reservee aux seules meufs.
Pour votre enfant grandie dans la medina de Dakar, les livres, nos contes, l’instruction recue a l’ecole sont un enchantement, une echappatoire.
Malgre l’entrave que constitue un divorce, ses parents analphabetes paraissent fiers de l’inscrire aux lei§ons. La tante divorcee qui connait le tarifs de l’independance dit a sa fille : « Tu dois reussir. Un delicieux diplome, un delicieux projet, c’est le bon mari d’une cherie. »
Neanmoins, le pere a d’autres desseins. Il emmenera sa couvee au village natal en Guinee et arrachera son ainee a l’ecole de Dakar. Pour assouvir sa soif de lecture, il lui achete « le journal du parti » de Sekou Toure, auquel celle-ci ne regroupe que dalle. Elle apprend via c?ur un vieux dictionnaire et lit Notre Dame a toutes les camelias dans la case de sa grand-mere. Cette grand-mere qui est heureuse d’accueillir sa petite-fille — ainsi que la garder. Ainsi, elle la met a l’abri des pretendants qui, malgre ses douze ans et demi, defilent chez son pere pour demander sa propre main. Car l’acquisition d’une copine, c’est une affaire d’hommes. Les pretendants etalent leurs richesses, comptees en tetes de betail et nombre de femmes. Pour couronner leur « reussite sociale », il un faut une « femme instruite », quelle que soit que l’instruction se limite a connaitre lire et rediger. Notre pere ne cede jamais a la tentation d’une dot allechante en echange de sa fille. Pourtant, il la trahit a le tour. Un jour, il lui promet des etudes a Conakry. Le lendemain, il part pour toujours. Sans laisser d’adresse.
Abandonnee par la mere, trahie par le pere, la petite Peule, devenue grosse, s’est neanmoins fraye son chemin. Elle est devenue notaire en passant par le negoce international. Par ce recit de le enfance reste de grandes annees scelle par la peur, celle-ci a mis des mots sur des « maux » qui sont aussi ceux des consoeurs africaines.
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